Commencé en 1978, Aspen MovieMap est la première réalisation hypermédia proposant une expérience jusque-là inédite et vue comme paradoxale.
Le terme utilisé alors par les Américains était « présence dans l'absence », afin de rendre compte des perceptions et des sensations éprouvées face à une reconstitution spatiale technologique de la réalité.
Nicholas Negroponte, un des participants à l'Architecture Machine Group, prototype du futur Media Lab du MIT, en résume ainsi les conditions de la commande :
« une étude sur les moyens électroniques susceptibles de donner aux commandos américains le genre d´entraînement qui avait fait le succès des Israéliens à Entebbe (Uganda). Comme il n´était tout simplement matériellement pas possible de construire des maquettes à l'échelle de tous les objectifs terroristes potentiels (...) il fallut le faire à l'aide des ordinateurs (...) Mais l'infographie seule ne convenait pas. Il fallait mettre au point un système ayant le photo-réalisme d'un plateau de cinéma d'Hollywood pour donner l'impression d'être sur place ».
La réalisation du projet passait par la constitution d'une base de données à partir d'images photographiques, de vidéos et de relevés précis de l´espace urbain de la ville d'Aspen, station de sports d'hiver dans le Colorado.
Elle contenait des dizaines de millions d'images fixes, avec des plans de chaque façade, tournés en été et en hiver, des images d'archives retraitées, des données non audio-visuelles appelées « data data », qui fournissaient une sorte de cartographie d'idées et de concepts.
Une phase de programmation et de montage a permis de relier les prises de vues les unes aux autres pour former un photogramme filmique et produire ainsi le mouvement qui restituait les sensations spatiales.
Les techniques émergentes de stockage de données sur vidéodisque optique associées à un ordinateur offraient un accès instantané à toute information.
A un écran vertical pour les vidéos était associé un second écran horizontal qui affichait en permanence la carte de la ville.
Avec une manette, l'utilisateur se déplaçait dans l'espace d'Aspen et contrôlait sa progression à l'aide de pictogrammes situés au bas de l'image.
C.B.